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Identification des patients et des victimes

Identification des patients, des victimes, des citoyens
Réflexions prospectives
Préambule
Le besoin d’identification chez l’homme est un processus cognitif à la fois spontané et indispensable dans la vie courante pour sa satisfaction immédiate, pour sa sécurité, ses relations sociales, ses activités professionnelles, sa connaissance du monde : reconnaitre une plante, un arbre, une fleur, un insecte, un animal, un visage humain mais aussi un objet manufacturé.
Ces processus d’identification dépendent d’une part des capacités mémorielles de l’individu, de son goût, de ses besoins de « savoir, mais également de son éducation familiale, professionnelle, sociétale…
La vue, l’odorat, le toucher sont les bases neurophysiologiques de ces actions d’identification et dans le domaine environnemental les animaux nous sont supérieurs, l’homme est » un animal dénaturé ».
Dans le domaine de la santé l’identification des patients et des victimes s’inscrit dans le processus général de l’identification de l’état civil commencé très tôt dans l’histoire de l’homme avec des actions religieuses, royales, républicaines, impériales et se poursuit actuellement (dernière loi de 2005) en diversifiant les moyens. (1)(2)
Malades et blessés…ils ont tous au moment de l’événement agressif (accident, maladie aigüe) une identification nationale avec le numéro de sécurité sociale instaurée en 1945 par le gouvernement du général de Gaulle complétée il y a quelques années par la mise en place de la carte vitale. (3)
Mais toutes ces mesures sont d’ordre administratif et peuvent être mises en défaut, contournées, utilisées frauduleusement. Différentes instances ont mis en évidence l’importance des fraudes actuelles dans le domaine des prestations sociales. (4).
En urgence, qu’il s’agisse d’une intervention à domicile, sur les lieux de travail, sur la voie publique dans un ERP, les acteurs de secours et de soins ont comme priorité la prise en charge du patient et n’ont aucun moyen de vérifier les données de l’identité.
Situation similaire en milieu hospitalier où le contrôle de l’identité dépend des mêmes données : carte d’identité et carte vitale (avec les mêmes possibilités de fraude).
Pour autant depuis 2013(5) les personnels des services hospitaliers (publics et privés) ont obligation de poser un bracelet d’identification (numéro d’identification, code -barre.) pour éviter la confusion entre deux patients lors de la réalisation d’examens, de soins….
Avant cette date, sans être nombreuses, (6) les erreurs concernaient aussi bien les actes d’examens, les indications thérapeutiques. En chirurgie elles pouvaient avoir des conséquences graves, par nature irréversibles. Pour autant si les confusions entre deux patients sont pratiquement impossibles (si les consignes de vérifications sont respectées), les erreurs de latéralisation lors des interventions chirurgicales des membres supérieurs et inférieurs (7) sont encore possibles, erreurs évitables si l’application des mesures de contrôle de la « check- liste » est rigoureuse (8).
Dans les situations d’urgence collectives le principe d’identification précoce est indispensable, rendu difficile dans un contexte d’afflux de blessés, de difficultés logistiques, d’ambiance émotionnelle particulière. Le plus souvent il ne s’agit pas d’une identification nominale mais elle est seulement fonctionnelle, opérationnelle permettant le suivi de la prise en charge d’une victime individualisée depuis la prise en charge et qui se poursuivra tout le long de la chaine de secours et de soins.
En France initialement dans la mise en œuvre du plan Rouge (actuellement plan NOVI) l’identification se faisait avec des bracelets prénumérotés.
Actuellement le système SINUS (9) a fait les preuves de son efficacité et de sa sureté.
Pour les catastrophes à l’étranger les secours internationaux disposent de consignes très précises pour l’identification des cadavres, confiée le plus souvent aux services de police et a des équipes d’identification multidisciplinaire. (10). Pour les autres victimes il est probable que chaque équipe utilisera la méthode habituellement préconisée dans son pays.
Les guerres représentent une autre situation inédite pour ces identifications, guerres qui pour Proof représentent « une épidémie de blessés ».
Dès 1903 l’armée américaine dote tous les militaires combattants d’une plaque métallique d’identification portée au tour du cou. Toutes les armées intervenant au cours de la première Guerre Mondiale adoptent ce dispositif. En France il avait été mis en place à partir de 1913 (11).
Il a probablement facilité en 1991 l’identification des restes mortuaires du lieutenant Alain Fournier (auteur du Grand Meaulnes) disparu en zone de combat en septembre 1914(12)

Conclusions
Que penser de la situation actuelle ? Que peut -on envisager pour demain ?
1°constat : les oppositions
Les procédures d’identification des patients en milieu hospitalier font l’objet de critiques de la part des défenseurs des « libertés individuelles » en utilisant la même rhétorique que pour l’opposition aux vaccinations en période de pandémie, celle du Covid-19 en est le récent exemple.

1° probabilité : les nouvelles applications
Il semble évident que l’identification des patients, des victimes sera d’autant plus facile et sûre qu’ils auront été déjà identifiés en tant que citoyen, non pas par un document administratif facilement
falsifiable mais par un procédé physique « indestructible » qui peut utiliser plusieurs méthodes :

  • la reconnaissance faciale
    Les importants travaux réalisés pour les identifications (13) d’abord à des fins de sécurité par les services de police et actuellement pour le contrôle « civique » de la population sont plus avancés en Chine.
    En Europe 11 pays dont la France cette reconnaissance faciale est en cours d’installation. (14)(15)
  • A ce stade peut- on oser une comparaison avec le monde animal ?
    Le marquage des bovins et des chevaux est encore une procédure constante dans certains pays comme protection contre le vol, c’est la situation aux Etats-Unis et au Mexique, il a servi d’argumentaire dans plusieurs films, il est encore pratiqué en France pour les jeunes taureaux de la Camargue (la ferrade). (16).
    Les animaux de compagnies, chats et chiens, (8 millions de chiens et 25 millions de chats) sont d’après la loi actuelle des CADI (carnivores domestiques identifiés), identifiés par tatouage ou implantation d’une » puce » électronique. Mesures loin d’être respectées, constat de cette carence lors d’agressions de chiens divagants (17).
  • Ce dispositif sera -t-il utilisé pour les hommes ?
    Mythe ou réalité ?
    Pour les hommes, au-delà de la reconnaissance faciale déjà évoquée, peut-on envisager le « marquage » des êtres humains ?
    Actuellement la réalité dépasse la fiction !
    En Suède l’implantation de puce électronique sous la peau est très répandue : pass sanitaire, déplacement en train, (,18,19 20).
    Pour mémoire rappelons les processus d’identifications « judicaires « qui ont largement dépassées la période du Moyen âge (21) et que l’on retrouve dans le roman d’Alexandre Dumas (les quatre mousquetaires dans le personnage de Milady de Winter marquée au fer rouge) (22).
    Sans remonter si loin on doit citer la situation des déportés dans les camps nazis au cours de le deuxième guerre mondiale qui étaient tatoués au poignet d’un numéro d’identification (23)

Dans le cas où ces mesures d’identification permanentes des citoyens se généraliseraient dans le court et le moyen terme, il est évident qu’elles soulèveraient d’importants problèmes sociétaux , d’une part entre ceux qui trouveront dans ces procédés une facilitation pour toute les démarches administratives et même dans la vie courante( transport, paiement etc.) et ceux qui considéreront ces mesures comme des atteintes profondes aux libertés individuelles ,paradoxe actuel entre le comportement de leurs défenseurs et celui des adeptes du tatouage individuel sur des parties découvertes du corps ( personnalisé et indélébile) qui les rendent facilement identifiables .
La fiction littéraire et cinématographique a depuis longtemps utilisé les données de la reconnaissance faciale pour des productions diverses qui furent souvent autant d’anticipation (24).

Bibliographie

(1) https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00962317/document
Du sceau au passeport : genèse des pratiques médiévales de l’identification, Claire Judde de Larivière
(2) https://cours-de-droit.net/l-identification-des-personnes-physiques-a127103682/
(3) http://www.protectionsocialesolidaire.org/comprendre-histoire-de-la-protection-sociale/1945-naissance-de-la-securite-sociale
(4) https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-09/20200908-rapport-Lutte-contre-fraudes-prestations-sociales_0.pdf
(5) https://esante.gouv.fr/sites/default/files/media_entity/documents/RNIV%201%20Principes%20communs_1.pdf
(6) https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2009-1-page-45.htm#:~:text=L’erreur%20d’identification%20sur,%C3%A0%20une%20perte%20de%20chance.
Erreurs d’identification des patients dans un local d’archives vivantes, Alexis Hautemanière, Catherine Quantin, Philippe Hartemann Santé Publique 2009/1 (Vol. 21), pages 45 à 54
(7) https://www.thema-radiologie.fr/actualites/2130/erreur-de-lateralite-dans-un-traitement-du-sein-par-radiotherapie.html
(8) https://www.has-sante.fr/jcms/c_1518984/fr/les-check-lists-pour-la-securite-du-patient

(9) https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1246782017301544
Identification des victimes lors d’afflux massifs : utilisation des outils SINUS et ORSAN. Retour d’expérience dentification des victimes lors d’afflux massifs : utilisation des outils SINUS et ORSAN. Retour d’expérience, Manuela Oliver.

(10) https://www.interpol.int/fr/Notre-action/Police-scientifique/Identification-des-victimes-de-catastrophes
(11) https://www.reconstit.fr/2020/10/01/les-plaques-d-identit%C3%A9-de-l-arm%C3%A9e-fran%C3%A7aise/
(12) https://archeologie.culture.fr/archeologie1418/fr/alain-fournier-1886-1914#:
(13) https://www.rtl.fr/actu/international/chine-la-reconnaissance-faciale-une-arme-politique-et-industrielle-7799652259
(14) https://www.infoprotection.fr/reconnaissance-faciale-onze-pays-de-lue-lont-adoptee-dont-la-france/
(15) https://www.usine-digitale.fr/article/la-reconnaissance-faciale-est-deja-utilisee-dans-11-pays-europeens-dont-la-france.N1154082
(16) http://www.chevalcamargue.fr/blog/manade-ferrade/
(17) https://www.i-cad.fr/
(18) https://mediarail.wordpress.com/2017/06/26/suede-une-puce-biometrique-dans-la-main-en-guise-de-ticket/
(19) https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/implantation-sous-cutanee-des-micropuces-rfid-ou-en-est-on-91046/
(20) https://lejournalnews.com/securite-sociale-puce-rfid-implant-carte-vitale-france/
(21) https://www.cairn.info/revue-sens-dessous-2012-1-page-47.htm
La cicatrice pénale, Doctrine, pratiques et critique de la marque d’infamie Michel Porret » Sens-Dessous » 2012/1 (N° 10), pages 47 à 63
(22) https://www.etudier.com/fiches-de-lecture/les-trois-mousquetaires/milady-de-winter/
(23) https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/cms/content/
La déportation dans les camps nazis
(24) https://www.canalplus.com/articles/series/person-of-interest-tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-cette-serie-d-espionnage « Person of interest » 011 – 2016 / 42 min / Policier, Thriller, Action

Autres références générales
https://www.i-cad.fr/reglementation/identification_du_chien_et_du_chat
https://www.businessfrance.fr/mexique-etats-unis-mise-a-jour-du-marquage-des-bovins-vivants-mexicains-importes-par-les-etats-unis
https://www.rts.ch/info/monde/11137943-la-chine-veut-noter-tous-ses-habitants-et-installe-600-millions-de-cameras.html#:~:text=milliards%20d’euros.-,Les%20ca
https://www.rtl.fr/actu/international/chine-la-reconnaissance-faciale-une-arme-politique-et-industrielle-7799652259
https://www.maxisciences.com/gs-news/des-milliers-de-suedois-ont-maintenant-une-puce-electronique-sous-la-peau_art41034.html