Les paramètres d’analyse et de gestion d’un événement :
Les paramètres d’analyse et de gestion d’un événement agressif, d’une agression de nature collective, tels qu’ils ont été définis précédemment sont de trois ordres, de trois dimensions, en d’autres termes, l’événement s’inscrit dans la prise en compte de ces trois paramètres ; l’espace, le temps et contexte polyvalent socio-culturel, technique, économique…de la région de survenue.
I/ L’espace
L’espace est considéré souvent à tort à la fois comme un concept géographique, mais aussi géopolitique, il va se caractériser à la fois par le lieu de survenue : site urbain, rural, montagneux, désertique, marin…, sa dimension appréciée en surface, en km carrés.
Il y a quelques décennies encore, on pouvait proposer de classer les catastrophes en fonction de la superficie atteinte, était alors prise en compte l’idée d’une zone géographique dont le rayon s’étendrait de 2 à 100 km : cette conception classait les événements survenant dans une zone de rayon de dimensions variables (inférieur à 1 km, de 1m rayon à 100 km et enfin un rayon supérieur à 100 km.)
Il est évident que cette perception est partiellement utile pour les grandes catastrophes naturelles. Cependant le concept de surface ne peut se limiter car il peut être extensible et être atteint lui aussi de « mondialisation ». De nombreux événements peuvent en être l’origine :
-Les cyclones, tempêtes, ouragans ont sont l’exemple le plus démonstratif : phénomènes prévus par les services météorologiques aussi bien pour leur point de départ, leur évolution, leur intensité;
– Les éruptions volcaniques dont les cendres sont transportées sur des centaines , voire des milliers de kilomètres, et créer ainsi des répercussions considérables sur la vie des populations : pollution atmosphérique, dérèglement climatique avec diminution de l’exposition solaire… On garde en mémoire l’éruption du volcan islandais (1783 -1784) qui a eu des conséquences pour toute l’Europe continentale et plus près de nous, celle du volcan Eyjafjallajökull en Islande qui a perturbé la circulation aérienne dans une partie de l’Europe;
– Les tsunamis, conséquences de séismes sous-marins , peuvent avoir des répercussions uniquement régionales (tsunami de la Mer du Japon en 1993), mais aussi lointaines sur des côtes à des milliers de kilomètres (séisme et tsunami au Portugal en 1755).
Pour les autres événements, dès la connaissance de leur nature, la surface de la catastrophe est implicitement connue.
Il en est ainsi pour toutes les catastrophes de transport collectif, terrestre, ferroviaire, aérienne, maritime : une catastrophe ferroviaire s’étendra sur une centaine de mètres, de même pour une catastrophe aérienne survenant sur l’aéroport même, mais il en sera peut-être autrement si l’avion explose en vol ou percute le sol à grande vitesse; Dans ces conditions les débris seront éparpillés sur une surface beaucoup plus grande (France, accident d’avion d’Ermenonville, 1974-Royaume-Uni, accident par explosion terroriste à Lockerbie-Niger, désert du Ténéré, explosion en vol par attentat terroriste, 1989-et plus récemment en France dans les Alpes, le vol A 320 de la Germanwings, 2015).
Pour les accidents et surtout les catastrophes industrielles, la quantité d’espace atteinte est beaucoup plus grande en fonction de la nature de l’événement, ce sont surtout les explosions dont le retentissement local est le plus important pouvant atteindre une grande partie de la ville.
Les situations de ce type ont été fréquentes dans le passé et le seront encore dans le futur.
Historiquement ce furent les poudreries qui étaient responsables des plus grands accidents mais pour autant les explosions surviennent encore aux 20 et 21° siècle, plus « classiques » celles survenues en milieu urbain et périurbain : les ports, les zones industrielles.
Rappels des explosions les plus importantes qui sont devenues « les événements de référence » :
– Pays- Bas ,1654, explosion de la poudrerie de Delphes, plusieurs centaines de morts ? un millier de blessés ? destruction d’une partie du centre-ville ;
– France, 1794, Paris, explosion de la poudrerie de Grenelle, environ un millier de morts comprenant les ouvriers de l’usine et les populations voisines et autant de blessés, des dégâts considérables ;
– Banlieue de Lille, janvier 1916, explosion de l’Arsenal des Dix- huit ponts, tout un quartier détruit,104 morts et plus de 400 blessés ;
– Canada, port de la ville d’Halifax, 1917, explosion du cargo français, le Mont-Blanc, avec une cargaison de munitions suivies d’un tsunami, une partie de la ville détruite, 2000 morts environ, des milliers de blessés ;
-États-Unis, Texas City, 1947, explosion du navire français « le Grandcamp » avec une cargaison de nitrate d’ammonium, plus de 500 morts, 3000 blessés, destruction matérielle importante ;
– France, Toulouse, 2001, explosion de l’usine AZF, 32 morts, plus de 1000 blessés et destructions importantes ;
-Congo, Brazzaville, mars 2012, explosion d’un dépôt de munitions, plus de 150 morts, des centaines de blessés, tout un quartier de la ville détruit ;
-Ukraine, 2017 explosions d’un dépôt de munitions , évacuation d’une partie de la ville (30 000 habitants) ;
-Russie, octobre 2020, explosion d’un dépôt de munitions, plusieurs villages évacués ;
– Liban, port de Beyrouth, août 2020, explosion d’un dépôt de nitrate d’ammonium, plus de 100 morts, environ 6500 blessés, une partie de la ville détruite.
Cette notion de «surface de catastrophe» est importante car elle va servir d’information sur l’importance de dégâts matériels, le nombre de victimes en fonction des bâtiments atteints. Actuellement elle peut être appréciée plus facilement par l’emploi de drones et ainsi déterminer la nature et la quantité de moyens humains et matériels à mettre en œuvre.
C’est dans ce contexte qu’il faut prendre en compte le concept de «population avoisinante», c’est-à-dire celle qui demeure à proximité géographique d’un site industriel.
Depuis l’accident de Seveso en 1976 il est apparu nécessaire de classer les sites industriels en fonction des risques (incendies, explosion, nuages toxiques…).
Les événements sociétaux obéissent aux mêmes règles d’extension de leur surface initiale : les deux grands conflits internationaux de 1914 -1918 et la deuxième guerre mondiale en sont deux exemples récents.
Les faits quotidiens mettent en évidence cette extension même dès l’événement considérés comme mineurs par rapport à des grands conflits, l’évolution du terrorisme dans une grande partie du monde en est un exemple.
Même à l’échelon d’une nation, une région on évoquera l’extension des flambées de violence à partir d’une localisation et d’un fait initial relativement précis, les violences de la cité rapidement extensive en sont un exemple permanent.
Enfin les grandes pandémies des siècles passai ont bien montré l’évolution des maladies infectieuses et contagieuses : peste, choléra, variole etc., la pandémie actuelle liée à un Corona virus met en évidence le risque permanent de l’extension mondiale des zoonoses.
En conclusion il faut remarquer la permanente confusion entre surface et espace : la surface « parle, s’exprime », se mesure, l’espace est infini et silencieux.
« Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ».
Blaise Pascal (1623-1662)
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